Le massacre de Charonne

Février 1962.

Les tensions politiques se cristallisent en France autour de la stratégie coloniale française. D’un côté, le gouvernement de Charles De Gaulle, postule une poursuite de la colonisation française en Algérie, soutenue par une partie de la gauche dite « coloniale », représentée à l’époque par des figures comme Guy Mollet, François Mitterand, ainsi que des intellectuels comme Albert Camus qui font preuve d’une demi-mesure accommodante de l’Algérie Française.

De l’autre, la gauche anti-coloniale, incarnée dans deux partis, le Parti Socialiste Unifié, créé en 1960, et le Parti Communiste Français, d’abord favorable aux intérêts coloniaux entre 1954 et 1958 mais dont le revirement idéologique permettra une prise de conscience de la part des syndicats de travailleurs dont la Confédération Générale du Travail – CGT (proche du Parti communiste) est la représentante la plus puissante. Cette gauche est soutenue par des intellectuels majeurs de l’époque (Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Robert Antelme, François Truffaut, Simone Signoret, André Breton, Édouard Glissant, René Dumont ou Michel Butor pour ne citer que les plus connus).

À l’avant-garde de cette gauche anti-coloniale, les étudiants sont particulièrement impliqués dans l’opposition. Dès 1956, l’UNEF s’empare de la question et une scission s’organise entre les apolitiques de notre syndicat étudiant et les défenseurs de l’indépendance algérienne.

Six ans plus tard, la majorité des forces syndicales est au cœur de la bataille. L’engagement s’accélère à la suite d’attentats organisés par l’OAS (Organisation Armée Secrète), groupe terroriste d’extrême droite anti-indépendantiste et auteur de près de 3000 meurtres entre 1961 et 1962. Ce groupuscule organise des attaques à la bombe contre des intellectuels anti-coloniaux et attaquent à la mitrailleuse les bâtiments du Parti Communiste. En réaction les syndicats (CGT, UNEF, FEN, CFTC, SGEN, SNI) et les partis (PSU et PCF) appellent à une manifestation massive le lendemain des attentats. Le gouvernement de De Gaulle, via l’action de son préfet Maurice Papon (qui avait déjà organisé le massacre des Algériens noyés dans la Seine par la police quatre mois plus tôt) interdit la manifestation pacifique. Les consignes sont données aux escadrons de police de disperser le rassemblement par la force s’il le faut et sans négociation. Les cortèges sont divisés peu après le début des manifestations et sont chargés par la police.   Un peu plus de 4 000 manifestants se retrouvent au métro de Charonne. Après une nouvelle charge ordonnée par la préfecture de Papon, une partie des manifestants fuit la police par les bouches de la station Charonne, poursuivie par les policiers qui matraquent les manifestants et les frappent à coup de grille en métal.

Les crânes craquent. 9 morts, 250 blessés. Certains cadavres, tués par la police dans des rames de métro, seront transportés le crâne explosé dans des stations adjacentes.

Ce massacre peut sembler anachronique dans une France qui semble pacifiée. Il ne l’est pas. La multiplication des violences policières ces dernières années le prouve. L’impunité est toujours présente. La République mutile et tue, et son bras armé, la police, demande le droit à continuer de tuer. Les enquêtes sur les meurtres commis par la police patinent. L’omerta est présente.

Adama Traoré, Zyed et Bouna, Cédric Chouviat, Aboubacar Fofana, Amine Bentounsi, Babacar Gueye, Mohamed Gabsi, Steve Maïa Caniço, Zineb Redouane, Liu Shaoyao, et beaucoup d’autres…

Tués par la police et les familles réclament justice. Pour autant, en face, on nous répond que les violences policières n’existent pas, que « ce mot est insupportable dans un état de droit ».

Le droit c’est justement ce qui a manqué à toutes ces personnes quand elles se sont retrouvées face à une police barbare et hors de contrôle.

Une police qui devient de plus en plus un pouvoir dans le pouvoir puisque sa violence est indispensable aux gouvernements. Plus que jamais le meurtre est ce qui fonde votre style.

La jeunesse vomit votre racisme et fera tout pour que l’histoire ne se répète plus !


Par Valentin Gourmet–Sanchez, président d’honneur de l’UNEF Aix-Marseille (2018-2020)

Et Lyes Belhadj, président de l’UNEF Aix-Marseille